Le rapport Africa’s Pulse, Volume 30 du Groupe de la Banque mondiale (octobre 2024) explore les défis et perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne, avec un accent particulier sur la transformation de l’éducation en levier clé pour une croissance inclusive. Il met en lumière les enjeux économiques, les risques climatiques et géopolitiques, et les réformes nécessaires pour relancer la croissance, réduire les inégalités et renforcer le capital humain.
- La croissance économique en Afrique subsaharienne s’enlise
La croissance économique en Afrique subsaharienne est prévue à 3,0 % en 2024, marquant une amélioration par rapport aux 2,4 % enregistrés en 2023. Une accélération à 4 % est attendue pour la période 2025-2026, portée principalement par la consommation privée et les investissements. Toutefois, ces avancées restent insuffisantes pour réduire l’extrême pauvreté de manière significative. En effet, le revenu par habitant en 2024 sera toujours inférieur de 2 % à son niveau de 2019, et la croissance annuelle moyenne de 0,5 % par habitant entre 2022 et 2024 ne suffit pas à atteindre les niveaux pré-pandémiques.
L’extrême pauvreté demeure élevée, touchant 36,5 % de la population en 2024, soit une réduction marginale par rapport aux années précédentes.
Toutefois, en 2024, la croissance du PIB réel de 27 pays de la région devrait s’accélérer, et, dans huit de ces pays, dépasser les 5 %, notamment en Côte d’Ivoire (6,5 %), au Sénégal [1](6,1 %), en Ouganda (6 %) et en Tanzanie (5,4 %), entre autres.
Par ailleurs, dans la sous-région Afrique de l’Ouest et centrale (AFW), l’activité économique devrait progresser de 3,3 % en 2023 à 3,9 % en 2024 et poursuivre sur son élan pour atteindre 4,2 % en 2025-2026.
L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) devrait enregistrer une croissance de 5,7 % en 2024 et 6,2 % en 2025-2026. La forte progression du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Sénégal soutient la performance de l’UEMOA.
- Le ralentissement de l’inflation et les perspectives monétaires
L’inflation en Afrique subsaharienne devrait diminuer, passant de 7,1 % en 2023 à 4,8 % en 2024, et atteindre 4,6 % d’ici 2026. Cette baisse s’explique par la stabilisation des prix des produits de base, la normalisation progressive des chaînes d’approvisionnement et les politiques monétaires restrictives. Deux dynamiques se dessinent : les pays à faible inflation pourraient réduire leurs taux directeurs pour stimuler l’économie, tandis que ceux à forte inflation continuent de subir des pressions élevées. Les anticipations bien ancrées de désinflation offrent toutefois des opportunités pour des politiques monétaires plus accommodantes dans la région.
- La stabilisation mondiale et les incertitudes persistantes
La reprise mondiale, marquée par une croissance résiliente aux États-Unis et une réduction des pressions inflationnistes globales, crée des conditions favorables pour l’Afrique subsaharienne. Cependant, des incertitudes demeurent, notamment dues au ralentissement économique en Chine et aux tensions politiques internationales, comme les élections américaines prévues en novembre 2024. Ces facteurs pourraient influencer les perspectives économiques de la région à moyen terme.
- Un endettement public élevé et ses conséquences
Malgré des efforts de consolidation budgétaire, avec un déficit budgétaire médian prévu à 2,9 % du PIB en 2026, le poids élevé de la dette publique reste une contrainte majeure. Les paiements d’intérêts augmentent continuellement, atteignant 3,4 % du PIB en 2025-2026, limitant les marges de manœuvre pour des investissements critiques. La dette publique brute demeure stable à environ 58 % du PIB, mais plus de 53 % des pays éligibles aux prêts de l’IDA sont soit surendettés, soit à haut risque de l’être. Cela réduit leur capacité à financer des priorités de développement comme l’éducation et les infrastructures.
- Les conflits et le changement climatique comme obstacles majeurs
Les conflits armés et les catastrophes climatiques amplifient les vulnérabilités économiques et sociales de la région. La guerre au Soudan a entraîné un effondrement des infrastructures et une crise humanitaire majeure, avec des millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë. Parallèlement, les événements climatiques extrêmes, tels que les sécheresses et les inondations, perturbent les récoltes et exacerbent les problèmes de sécurité alimentaire. En 2023, plus d’une personne sur cinq en Afrique subsaharienne souffrait de faim, et plus de 70 % ne pouvaient se permettre une alimentation saine.
- L’urgence d’une relance de la croissance : le rôle crucial de l’éducation
La stagnation des niveaux de vie exige une stratégie de relance basée sur la stabilité macroéconomique et le développement du capital humain. L’éducation est identifiée comme un moteur clé pour transformer le potentiel démographique en dividende économique. Les investissements dans les infrastructures essentielles (transport, énergie) et le renforcement des compétences fondamentales peuvent stimuler la productivité et créer une base pour une croissance inclusive.
- Une éducation de qualité pour assurer l’avenir
L’Afrique subsaharienne dispose d’un potentiel unique pour exploiter le pouvoir de l’éducation. Actuellement, l’Indice de capital humain de la région est de 0,40, mais il pourrait doubler avec une éducation de base universelle, augmentant significativement le PIB par habitant. Cependant, les défis sont immenses : près de 90 % des enfants de moins de 10 ans ne savent pas lire, et des millions d’enfants ne sont pas scolarisés.
Recommandations
Pour transformer le système éducatif, deux objectifs interdépendants sont prioritaires :
- Construire une base solide : Assurer que tous les enfants acquièrent des compétences de base en lecture, écriture et calcul.
- Doter la main-d’œuvre de compétences adaptées : Former les jeunes aux exigences d’une économie mondiale évolutive, notamment dans les secteurs numériques et verts.
Des investissements accrus dans les infrastructures éducatives, la formation des enseignants et des approches innovantes de financement sont nécessaires pour atteindre ces objectifs. À court terme, une mobilisation efficace des ressources et une meilleure gestion des dépenses pourraient multiplier les progrès en matière de scolarisation et d’apprentissage.
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